ATOUT RISK MANAGER N°32 I PRINTEMPS 2022 35 Dossier - Prenons les risques d’un nouvel élan des extrémismes en Europe et en France, comme le montre la campagne électorale des présidentielles dans notre pays ? » s’interroge la philosophe Monique Canto-Sperber. Épidémie de grèves? Mais le défi est aussi et surtout économique, car face à la pandémie, le besoin de préserver le système capitaliste creuse les inégalités sociales. L’inflation qui s’emballe (+ 7 % aux États-Unis, + 3 % en France en février 2022, selon l’Insee) heurte le pouvoir d’achat et fait resurgir le spectre de nouvelles contestations sociales. « La crise sanitaire et le confinement ont révélé des inégalités sociales immenses, avec le risque d’une jeunesse sacrifiée. Nous en subirons les conséquences… » prévient la philosophe. « Les traces économiques laissées par le choc épidémique se ressentent notamment en Chine : l’atelier du monde ne tourne plus à plein régime et risque de créer une pénuriemondiale, même sur des produits qu’on n’imagine pas, comme les pédales de freins par exemple » résume Nicolas Bouzou. L’enjeu pour l’État est donc de nature sociale, d’autant que les nouvelles habitudes de travail post-confinement ont changé le rapport des salariés à l’entreprise, le rapport à l’autre et à l’espace public en général. « Les frustrations accumulées pendant la crise sanitaire, qui a eu lieu dans une période de croissance, font naître immanquablement des revendications sociales » a observé Nicolas Bouzou. « L’épidémie de grèves qui s’est déclenchée à l’été 2021 aux États-Unis semble contagieuse » a ajouté l’économiste, quelques jours après le mouvement social chez EDF et deux semaines avant la grève massive du 18 février à la RATP. Coup de semonce avant une riposte plus forte et interprofessionnelle ? « A deux mois de l’élection présidentielle, le cocktail social + pandémie est explosif, la France sera très difficile à gouverner, quel que soit le résultat du scrutin » redoute le directeur du cabinet de conseil Astères. Créer de l’enthousiasme autour de la réponse Enfin, le dernier grand défi évoqué est technologique, avec la place prépondérante de la vie numérique dans notre quotidien, et les risques qu’elle engendre. Demain, l’humain contrôlera-t-il toujours la technique? Et l’Europe va-t-elle vers une « mise sous tutelle technologique, celle de la Chine obsédée par la Tech et l’innovation ? » comme le craint Emmanuel Véron. « Aucune entreprise de Tech n’est européenne, la France compte des licornes dans le secteur des loisirs, des paris sportifs, de la culture, mais si c’était dans l’informatique quantique, ce serait mieux ! » renchérit Nicolas Bouzou. Le tableau de l’état du monde ainsi dressé, l’ambiance des Rencontres aurait pu être maussade. Mais l’objectif n’était pas de dramatiser, ni de paniquer les esprits. Non, l’objectif de ces retrouvailles de la grande famille du Risk Management était plutôt de créer « de l’enthousiasme autour de la réponse » a insisté le président de l’AMRAE Oliver Wild. Enthousiasme autour de l’innovation, des relocalisations, des moyens économiques consentis par les États pour passer le cap de la crise sanitaire et surtout autour de la prise de conscience collective qu’un nouveau modèle est possible. n «Certains pensent que les risques que nous affrontons sont tels que le temps est venu du despotisme avec un objectif d’efficacité plutôt que de maintien de la liberté d’expression. Si j’ai un seul message d’espoir à transmettre, c’est d’éclairer sur les conséquences extrêmement néfastes de ce genre de tentation intellectuelle. » Monique Canto-Sperber, philosophe «Jamais le monde n’a connu une Chine aussi puissante et elle s’appuie aussi sur la diplomatie des stades. » Emmanuel Véron, docteur en géographie, spécialiste de la Chine contemporaine et des relations internationales à l’École navale
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