ATOUT RISK MANAGER N°30

ATOUT RISK MANAGER N°30 I AUTOMNE 2021 59 personnes qui connaissent vraiment les faiblesses et les points forts d’unmodèle économique dans une entreprise. » Et de souligner deux limites. « La première limite, c’est la communication financière. Lemarché et le régulateur ont horreur des démarches trop prédictives et autoréalisatrices.Çan’existepas,c’estdangereux. Et pourtant, la communication d’un dirigeant d’une grande entreprise annonçant trois décennies de croissance devant lui, provoquiant une hausse de son cours de bourse 3% le même jour. Cela peut questionner quant à la notion d’information au marché, exacte, sincère et précise pour reprendre la réglementation. Il y a certainement tout à la fois un besoin demeilleure lisibilité du long terme, mais qui devrait s’accompagner bien évidemment d’une modification des règles de la communication financière. » La seconde limite est le secret des affaires : « stratégies de croissance, développement des brevets, innovation et diversification ne peuvent pas être livrées à la concurrence. » L’attente sur l’extension des engagements La loi Pacte en mai 2019 a transformé l’intérêt social du Code civil en y ajoutant, la prise en comptedes enjeux sociaux et environnementaux. « Certains y voient des débouchés, à savoir le dispositif de la raison d’être et de l’entreprise à mission. » Pour Georges Terrier, la raison d’être s’inscrit beaucoup dans l’illusion. « Souvent, c’est un instrument publicitaire, d’image, de communication. Une entreprise rédige une raison d’être, mais ne l’intègre pas dans ses statuts. Il n’y pas d’engagement et bien évidemment, son effet à l’égard des tiers et sa responsabilité d’acteur social et environnemental sont quand même très illusoires. » Intégrée dans les statuts, c’est mieux note-t-il, mais « ça ne prolonge pas l’action au niveau de la responsabilité elle-même ». L’entreprise à mission recueille les suffrages de l’avocat. « Statutairement, dans son objet social, elle adhère à une mission qu’elle définit et qui est souvent liée à une raison d’être. Elle est prolongée par une politique de mission basée notamment sur les objectifs durables de développement des Nations-Unies. A partir de là, elle a une obligation de les mettre en œuvre. En général, elle le fait avec un comité de suivi de mission et un rapport à l’assemblée générale ». L’attente sur la gouvernance La gouvernance sera quant à elle négociée, choisie et partagée. Mais ce partage rencontre unedifficulté avec, venuede la culture américaine des contre-pouvoirs, l’intégration des parties prenantes, qui ne sont pas une réalité juridique. Le droit des sociétés a vu des tentatives d’introduction des parties prenantes dans l’objet social et l’intérêt de l’entreprise qui a avorté selon lui pour deux raisons. « Une première juridique : il est difficile de définir les parties prenantes. Elles ne sont pas homogènes et disparates. Elles ont des intérêts particuliers. Elles ne sont pas convergentes, donc il est difficile d’en faire une partie à elles seules ». Si cette notion est abandonnée, « c’est que les parties prenantes ont des intérêts particuliers, obéissent aussi à des cultures différentes. Et d’alerter sur le « risque d’instrumentalisation de la direction générale et des dirigeants auprofit de leurs intérêts propres. » C’est pourquoi conclut-il, il est « difficile de passer du notionnel vertueux et théorique à l’effectif. » Citant Tocqueville qui disait en 1847 que « ce serait faire une œuvre plus profitable de songer à organiser lemonde nouveau que de s’acharner contre les débris de l’ancien monde », Patricia Barbizet conclut la session avec trois mots : risques à accompagner, responsabilité et maîtrise des transformations, pour démarrer maintenant le monde d’après. n «  Il est difficile de définir les parties prenantes. Elles ne sont pas homogènes et disparates. Elles ont des intérêts particuliers. Elles ne sont pas convergentes, donc il est difficile d’en faire une partie à elles seules. » Georges Terrier, Avocat au cabinet Davis Polk En léger différé - Les Rencontres économiques 2021 d’Aix-en-Provence

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