ATOUT RISK MANAGER N°30
ATOUT RISK MANAGER N°30 I AUTOMNE 2021 50 Veille et position défini, on ne peut en vouloir au manager qui, éventuellement, échouerait… », explique ainsi Anne Piot d’Abzac. Puis, lorsque les niveaux d’appétence aux risques sont validés par le conseil d’administration, c’est l’ensemble du comité exécutif qui voit son domaine d’action bien défini. « Actionnaires et investisseurs peuvent ainsi constater que l’on prend les bons risques », souligne un dirigeant. On comprend finalement que les actionnaires et administra- teurs soient très favorables à la formalisation de l’appétence aux risques (voir encadré page 53) : elle leur confère un vrai pouvoir. « Tant que l’appétence aux risques n’est pas offi- ciellement posée par le conseil d’administration, certains dirigeants peuvent céder à la tentation de signer un contrat de façon opportuniste, en privilégiant la marge de l’affaire ou le résultat annuel aux enjeux plus globaux d’éthique ou de RSE. Dès lors que ces risques sont formellement prohibés, ce n’est plus possible et les dirigeants en sont alors comptables… », estime Jean-Phi- lippe Riehl, expert en gestion de risques et de crises. Un exercice qui a toutefois ses limites Si l’outil de l’appétence aux risques est si « puissant, logique et structurant » - pour reprendre les termes d’Anne Piot d’Abzac -, pourquoi a-t-il si peu d’adeptes ? Tout d’abord, beaucoup d’entreprises ne ressentent pas le besoin de mettre noir sur blanc ce qui leur semble évident. « Dans un management très centralisé, l’appétence aux risques est inscrite dans la tête du patron… Et cela n’est pas forcément problématique, si les décisionnaires sont peu nombreux et proches du dirigeant », explique Gérard Payen. En outre, le sujet des risques reste très sensible. Il y a tout d’abord l’argument de la concurrence. « Poser son appétence aux risques est très révélateur de sa stratégie : c’est se mettre à nu face à ses clients et ses compétiteurs », reconnaît un professionnel. Il y a aussi, aujourd’hui encore, et même après une pandémie qui a rappelé que personne ne pouvait s’affranchir du risque, une certaine pudibonderie à évoquer ses propres risques. « Certes, on n’en est plus à l’époque où le sujet-même du "risque " ne pouvait absolument pas être abordé dans la communication externe de l’entreprise, mais beaucoup estiment toujours que dévoiler son appétence aux risques peut faire peur aux investisseurs », explique un directeur des risques. Sans compter que certains craignent qu’un tableau d’appétence aux risques puisse être utilisé contre l’entreprise, notamment devant un tribunal. « Toute communication sur les risques à destination de l’extérieur doit être très finement mesurée, afin que l’on ne puisse pas reprocher à l’entreprise de s’engager sansmettre en face un dispositif de gestion des risques adapté. Dans le cas contraire, la responsabilité de l’entreprise - comme celle de ses dirigeants exécutifs et administrateurs – pourrait se voir exposée. Par exemple sur des risques pris alors qu’ils sont contraires aux engagements de l’entreprise communiqués dans le cadre de ses plans d’actions - notamment en matière de RSE et d’éthique -, par des lanceurs d’alerte internes ou externes, tels que des ONG, voire par des autorités administratives de contrôle, telles que l’AFA », confirme Sylvie Le Damany, avocat associé chez Adaltys. Pour éviter de tels arguments ? « Il faudrait peut-être réfléchir à une autre formulation, plus positive qu’«appétence aux risques. Avec mes équipes, j’ai souvent employé l’expression "terrain de jeu" , dans une analogie sportive… Car il s’agit bien de fixer les limites que l’on se donne pour entreprendre », indique Gérard Payen. « Tant que l’appétence au risque n’est pas officiellement posée par le conseil d’administration, certains dirigeants peuvent céder à la tentation de signer un contrat de façon opportuniste, en privilégiant la marge de l’affaire ou le résultat annuel aux enjeux plus globaux d’éthique ou de RSE. » Jean-Philippe Riehl, Expert en gestion de risques et de crises POURQUOI VOTRE ORGANISATION A -T-ELLE FORMULÉ SES RÈGLES D’APPÉTENCE AUX RISQUES? Source : Baromètre de l’appétence au risque - État des lieux du secteur financier tunisien - 1 ère Edition, décembre 2015 - Deloitte
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