ATOUT RISK MANAGER N°29

ATOUT RISK MANAGER N°29 I ÉTÉ 2021 53 Veille et position La mise en œuvre de la raison d’être est différente de son exercice d’élaboration : elle nécessite une appropriation au sein de l’entreprise et sa déclinaison à tous les niveaux. L’absence ou l’insuffisance de moyens qui y seraient affectés, le faible engagement du dirigeant, peuvent devenir causes de litiges en droit du travail. L’entreprise à raison d’être ou à mission doit alors être doublement vigilante à sa réputation, à sa communication de marque et aux impacts sur son positionnement, sous peine d’être accusée de «purpose-washing 1 » . Des conséquences stratégiques, un suivi juridique rigoureux À l’inverse, la poursuite d’objectifs environnementaux peut justifier de renoncer à certaines activités, contredisant alors la poursuite d’objectifs sociaux lorsque cela conduit à fermer des entités ou à supprimer des emplois. Certains secteurs d’activité, l’industrie notamment, voient la prise en compte accrue de critères Environnementaux Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans les processus de sélection des appels d’offres, dans la notation des agences, dans les décisions d’investissements ou les financements. L’incapacité pour l’entreprise à prouver son engagement dans ces enjeux, qu’ils soient RSE ou ESG, constitue un risque accru de perte d’opportunités (partenariats, financements ou marchés). Les financiers et les acteurs de la compliance seront vigilants aux dépenses liées à la réalisation de la raison d’être qui pourraient être requalifiées en actions de mécénat, au risque d’engager l’entreprise dans un acte anormal de gestion. Enfin, toutes les entreprises veilleront à préciser dans les procès-verbaux de Conseil d’Administration, de Comités Stratégiques ou Exécutifs, qu’elles ont bien pris en compte les enjeux sociaux et environnementaux. La contribution vigilante du Risk Manager Si la prise en considération par l’entreprise des enjeux sociaux et environnementaux n’est plus un critère de différenciation, son absence est devenue un facteur discriminant. Nous sommes aujourd’hui à un point de bascule où l’entreprise ne doit plus être centrée uniquement sur la maximisation de ses profits à court terme, mais avoir une vision plus globale de sa performance. Il s’agit de faire converger la création de valeur vers un nouvel équilibre financier et extra- financier. En engageant cette démarche, 1. Purpose washing  : action de communication à travers laquelle une entreprise revendique un engagement sans mettre en place les actions nécessaires à sa réalisation l’entreprise devient plus résiliente grâce à une analyse élargie et une meilleure gestion de ses risques. Alors que le Risk Manager semble être peu ou pas impliqué dans le projet de définition de la raison d’être de son entreprise, la prise en compte des implications de la Loi PACTE dans la cartographie est indispensable. Grâce à ses interactions multiples et transverses, le Risk Manager est un contributeur essentiel à la diffusion et à l’appropriation de la raison d’être à tous niveaux de l’entreprise : gouvernance, instances dirigeantes, management intermédiaire et collaborateurs. Afin d’encadrer au mieux la reconnaissance de la démarche RSE de l’entreprise, la Loi PACTE prévoit une évolution de la labellisation, aujourd’hui non obligatoire. Dans l’attente, on assiste à une multiplication de labels et de notations privés, sans valeur de référentiel, qui brouillent les messages. La définition d’une méthodologie commune de mesure des indicateurs de la performance globale est la prochaine étape incontournable. Il conviendra donc au Risk Manager de rester vigilant aux évolutions réglementaires, tant françaises qu’européennes, visant à renforcer l’engagement des entreprises et à établir un langage commun, notamment CSRD et Taxonomie verte. Les auteurs remercient les Risk Managers et les Directeurs RSE interrogés dans le cadre de la préparation de cet article ainsi que Catherine Saire et Julien Hornacek (Deloitte Risk Advisory) BIBLIOGRAPHIE - Guide MEDEF «Les mesures RSE dans la loi PACTE : comprendre et agir pour les TPE-PME» , mai 2020 - Rapport Notat-Sénart «Entreprise, objet d’intérêt collectif» , mars 2018 - Synthèse ORSE «Loi PACTE et raison d’être : et si on passait à l’acte», jan. 2020 - Guide Citizen Capital- Deloitte «Entreprises à mission, De la théorie à la pratique» , 2019 - Communauté des entreprises à Mission «Baromètre de l’Observatoire, Premier portrait des sociétés à mission» , jan. 2021 Anne-Gaëlle Delattre, Risk Manager de Valeo Management Services

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