ATOUT RISK MANAGER N°29
ATOUT RISK MANAGER N°29 I ÉTÉ 2021 17 Acteurs en vue dirigeants d’entreprise : en s’éloignant du terrain au fil de leur progression dans l’organisation, ils pourraient être tentés de miser sur des mécanismes de contrôle. «Mais ces mécanismes ne peuvent répondre à toutes les crises d’autant que lorsqu’elle se présente, la crise est toujours différente de ce qu’on avait imaginé… Pour répondre à une situation inattendue, il faut pouvoir s’appuyer sur la capacité de réaction – et même d’improvisation – de ceux qui sont proches du terrain» . Vers un leadership éclairé C’est ainsi que la culture du risque implique un leadership éclairé. «Le contrôleet la centralisation conduisent à déresponsabiliser toutes les équipes. Le monde est trop complexe pour que cela marche. Il faut au contraire faire confiance et déléguer dans une limite raisonnable, bien sûr. C’est au leader de créer un système de valeur qui permette la prise de décision décentralisée et la perception des signaux faibles» . Finalement, Xavier Durand estime qu’il faut «aller vers ses peurs, comme l’enfant qui regarde sous le lit pour voir s’il y a un monstre : c’est libérateur et celapermet deprogresser» . Amateur de romans d’aventures, il n’a lui-même reculé ni devant les découvertes, ni devant les cultures ou les risques, au point de se faire parfois de vraies frayeurs. Il évoque ainsi le drame de Fukushima, il y a tout juste dix ans : un traumatisme mondial mais aussi personnel pour cet expatrié arrivé au Japon 3 jours plus tôt… Le sujet d’un prochain livre? n « Envisager le pire n’est pas qu’un exercice de science‑fiction destiné à se faire peur ou à paralyser toute action. Il s’agit du meilleur moyen de trouver des solutions et des alternatives pour que la non-catastrophe reste de l’ordre du possible et que les conséquences les plus néfastes de certains phénomènes puissent être conjurées». LES RISQUES À SURVEILLER ACTUELLEMENT Aujourd’hui, s’il ne fallait citer que deux risques, le dirigeant de la Coface évoque tout d’abord le risque technologique , et ses deux facettes : d’un côté la cybersécurité, «dont on n’a pas encore pris la pleine mesure» , et de l’autre le risque d’obsolescence. «Il ne faut pas rater un train technologique, mais il y a vraiment beaucoup de trains qui passent, et certains n’iront nulle part» . Autre sujet majeur, le risque environnemental . «Notre monde va fondamentalement changer, mais l’évolution n’est pas simple car si chaque innovation apporte des solutions, elle vient aussi avec son lot de risques et d’inconvénients» . LES QUATRE ÉCUEILS DE LA GESTION DES RISQUES? «OSER LE RISQUE. LEMANAGEMENT DANS UNMONDE INCERTAIN» S’il aborde la gestion des risques en tant que dirigeant d’entreprise plus qu’en professionnel de la matière, Xavier Durand met très justement l’accent sur quatre écueils qui peuvent menacer la performance d’une politique de gestion des risques : 1. L’inaction et la «dérive précautionniste». Faisant référence au syndrome de Bartleby (Melville) qui «would rather not to» , Xavier Durand dénonce la dérive précautionniste de l’aversion au risque qui « entretient une culture de l’inertie et des dérives bureaucratiques » . «Trop souvent, le principe de précaution se transforme en vecteur d’inaction» , souligne-t-il. 2. L’excès de planification. Ce dernier, associé à la sacralisation des plannings stratégiques, poserait plus de difficultés qu’ils n’apporteraient de solutions et de bénéfices. « Ils ont tendance à enfermer l’entreprise dans un schéma préconçu et dans un plan d’action non opportuniste, tout en décourageant les velléités d’improvisation» . 3. La confusion entre gestion des risques et compliance. «L’obligation de se conformer n’est pas une option, mais ne peut non plus être une excuse derrière laquelle se réfugier, souligne Xavier Durand. En effet, la conformité aux normes peut générer un sentiment de fausse sécurité. Les normes et la réglementation ne protègent que face à ce que l’on connaît : il faut aller au-delà» . 4. Les mirages du « bougisme » et du vide stratégique. «Prendre des risques ne consiste pas à multiplier les chantiers tous azimuts et à éparpiller ses efforts au point de priver l’organisation de ligne directrice claire (…). Dire non – et même savoir dire non – peut-être le plus grand défi du dirigeant» . Éd i t i on s He rmann , 16 euros. En quelque 100 pages et fort de 30 ans d’expérience comme dirigeant d’entreprise dans des pays et des environnements très divers, Xavier Durand plaide pour un management éclairé et pour une prise de risque maîtrisée, à une époque où toutes les entreprises sont confrontées à une extension du domaine de l’incertitude… Musicien averti, l’auteur défend que les entreprises ont moins besoin de chefs d’orchestre persuadés de maîtriser et conna î t re t ou s l e s mouvemen t s à l’avance, que de leaders éclairés, aptes à composer leur partition en temps réel et à instaurer une culture de prise de risque contrôlée, faisant de chaque collaborateur un compositeur spontané, à la fois de décideur et de suiveur : tout comme dans l’improvisation de jazz, qu’il pratique avec passion. Un regard intéressant sur la gestion des risques, mais un regard de chef d’entreprise et non d’expert. (Source : «Oser le risque», Chapitre I, «La conquête graduelle des risques»).
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