ATOUT RISK MANAGER N°28
ATOUT RISK MANAGER N°28 I PRINTEMPS 2021 28 Dossier - La sagesse du risque pour l’immunité collective d’accouchement ! » , compare-t-elle. D’une crise naîtrait donc «une conscience aiguë de la vie, faite de peur et d’espoirs » . Plutôt que de penser reconstruction, la rabbin et écrivaine propose de composer avec la cassure. «Nous habitons dans des espaces fêlés, la brisure n’est pas réparable, on peut juste se demander comment on va bricoler, recoller les morceaux pour poursuivre notre chemin et revivre dignement » . Ses propos résonnent avec la question clé de la sortie de crise. « Et si le complotismefaitfloresdepuisledéclenchement de la pandémie, c’est parce que certains n’acceptent pas cette cassure et exigent des dirigeants qu’ils nous ramènent à la vie d’avant, c’est un déni de notre faillibilité. Alors que c’est quand on se sent faillible qu’on est puissant » , professe Delphine Horvilleur. Un Risk Management d’État ? Accepter la faille, c’est aussi accepter la mort, mais le politique est-il capable de supporter plus de décès pendant la pandémie ? « Le politique est très à l’aise avec les statistiques, moins avec le sens de la mort, et la crise de la Covid-19 est devenue un sujet spirituel » , répond Jean-Pierre Raffarin. Pas un sujet de Risk Management ? « Les dirigeants politiques ne peuvent pas assumer seuls ce rôle. Faudra- t-il en venir à la création d’un poste de Risk Manager à l’échelle d’un État et appliquer au management politique des méthodes de management entrepreneurial ? » , s’interroge l’ancien Premier ministre. À ce jour, un seul pays s’est attaché les services d’un Risk Manager au niveau de l’État : Singapour. (Lire l’interview de Franck Baron page 56) L’entreprise sera responsable ou ne sera pas Face à la crise sanitaire mondiale, l’État n’a donc plus les moyens d’agir seul : « les chefs d’entreprise sont vus comme des instruments majeurs de la sortie de crise » , estime Jean- Hervé Lorenzi. En écho, Antoine Frérot, Pdg de Veolia et Jérôme Chartier, fondateur des «Entretiens de Royaumont» ont exposé leur vision du rôle de l’entreprise dans cet exercice de résilience collective. « Les crises affaissent le rôle de l’État, les institutions sont dépassées par la mondialisation, la responsabilité des entreprises devient centrale » , estime Jérôme Chartier. Elles prennent à leur charge la stabilité du corps social, la question de la laïcité en entreprise par exemple. Au point de devenir plus puissantes que les États ? « Elles sont contraintes de pivoter, mais il est nécessaire que le politique reprenne la main. L’économie n’est que le moyen d’atteindre une situation collective harmonieuse» selon l’ancien député et maire de Domont (Oise). Des organisations «plurielles» En pleine croisade pour la fusion avec Suez et en faire «un champion mondial du changement écologique », le Pdg de Veolia poursuit une autre croisade depuis dix ans : faire admettre que la raison d’être d’une entreprise ne se borne pas à servir ses actionnaires, mais aussi ses «alliés » : ses salariés, ses fournisseurs, les territoires, la société, la planète. C’est « l’entreprise plurielle» chère à Antoine Frérot. « Toutes ces parties prenantes prennent des risques et l’entreprise doit les préserver, objectifs chiffrés à l’appui. Montrer et démontrer, apporter la preuve que l’entreprise s’occupe de tous » a-t-il martelé Une vision rénovée du capitalisme, plus responsable. Cela fait écho aux «entreprises à mission» telles que le groupe Rocher (lire l’encadré page 29). C’est aussi l’entreprise « gentille », testée chez Danone, les Riboud père et fils ayant érigé l’avenir de la planète au premier rang des valeurs. Problème, elle ne séduit plus les marchés financiers. «Quand les performances « Les institutions sont dépassées par la mondialisation, la responsabilité des entreprises devient centrale. » Jérôme Chartier, fondateur des «Entretiens de Royaumont» Jérôme Chartier, fondateur des «Entretiens de Royaumont» Antoine Frérot, Pdg de Veolia « Quand les performances financières décélèrent, il y en a d’autres qui prennent le relais, c’est un équilibre permanent à trouver. » Antoine Frérot, Pdg de Veolia
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