ATOUT RISK MANAGER N°28

ATOUT RISK MANAGER N°28 I PRINTEMPS 2021 13 Portrait 4 QUESTIONS À Judith Hartmann, Directrice générale adjointe en charge des Finances, de la RSE et des Achats Qu’attendez-vous de la fonction Risk Management aujourd’hui? Notre «Fonction Finance» a défini, il y a quelques années déjà, sa raison d’être qui se structure autour de six dimensions au sein desquelles la maîtrise des risques tient toute sa place au même titre que la participation aux décisions stratégiques, le pilotage de la performance, ou bien l’allocation du capital. Nous nous fixons des niveaux d’exigence élevés : cela tire tout le monde vers le haut et nous permet d’être reconnus par nos collègues opérationnels comme des parties prenantes plus que légitimes pour être assis avec eux à la table des décisions. J’attends bien sûr de nos experts des Risques qu’ils incarnent ces ambitions, qu’ils me challengent avec les autres membres du Comex sur le niveau de risques que nous souhaitons embarquer dans nos décisions ainsi que sur les modalités de financement de ceux-ci : externalisation sur le marché, partage avec des co-investisseurs, schémas contractuels innovants avec nos clients ou bien nos fournisseurs, asset-liability managemen t dans ce r t a i ns cas , rétention, etc. Une fois ce cadre défini, j’attends une mise sous contrôle stricte des risques acceptés avec un dialogue régulier autour de ceux-ci. Je demande à que nous soyons le plus quantitatifs possible, notamment afin d’être en mesure d’estimer les impacts potentiels de la matérialisation des risques acceptés sur nos trajectoires financières et ce, en utilisant au maximum nos compétences « Quants » que nous avons la chance d’abriter. Enfin, ces Risk Managers en réseau sont autant de « vigies » qui doivent pouvoir m’alerter en temps réel sur ce qui se passe à l’intérieur comme à l’extérieur du Groupe : je suis par exemple très sensible à la thématique des risques émergents qui se doivent de nourrir notre dialogue stratégique. Quelle doit-elle être dans 10 ans? Nos experts Risques sont de très grands professionnels et nous évoluons déjà dans des cadres de gestion matures et complets : nous sommes en effet aujourd’hui en mesure d’utiliser tous les leviers du financement des risques, de la simple provision, aux schémas d’externalisation sophistiqués et en passant par l’usage aussi de notre captive. Je sais que ces mêmes professionnels sauront capter et adapter à nos problématiques toutes les innovations qui ne manqueront pas d’émerger dans le monde du Risk Management. Je suis donc confiante sur le fait que nous resterons des acteurs du Risk Management «Best in Class » capables d’accompagner les transformations dans lesquelles Engie s’est engagé. Y a-t-il un Risk Management spécifique pour un énergéticien? En substance, non : un risque est un risque, son identification, son financement et sa mise sous contrôle mettent en œuvre des approches et méthodologies que l’on retrouvera dans d’autres industries. En pratique, oui : il y a un bon nombre de spécificités. S’il ne fallait en citer qu’une, j’insisterais sur les savoirs-faire, mis en place au fil de la financiarisation des marchés de l’énergie, en matière de couverture des risques de volumes et de prix sur l’électricité, le gaz naturel mais aussi les certificats verts ou bien le carbone - ce que nous appelons les «commodités». Chez Engie, nous avons une entité opérationnelle spécialisée dans le domaine. Forte de 1400 salariés, elle prend en charge, pour notre compte et pour celui de nos clients, la gestion de ces risques : c’est une plateforme de Risk Management en tant que telle. Dans un monde où le risque est devenu systémique, qu’attendez- vous de l’industrie de l’assurance? Dans notre histoire nous avons longtemps pratiqué massivement l’auto-assurance : nos premiers contrats Dommages ne remontent qu’à 1998. Cet aspect historique des choses explique d’ailleurs notre maturité en Risk Management aujourd’hui : lorsqu’on a pris l’habitude de porter sur son bilan des risques importants, on développe une culture de la prévention forte! Au fil du développement du marché assurantiel et de nos rapprochements avec des acteurs ayant d’autres habitudes, nous avons appris à travailler en schéma mixte, c’est-à-dire avec un retournement des risques assurables vers le marché mais également de la rétention, le tout afin d’optimiser en permanence le couple coût du risque / couverture. Les assureurs sont aujourd’hui des partenaires de confiance et de long terme d’Engie. Avec eux, nous construisons le monde du Risk Management de demain et ce, parce que nous travaillons vraiment dans une logique de co-construction. L e m o n d e e s t c o m p l e x e e t l’acceptation du risque, du moins dans le monde occidental développé, a considérablement évolué. Dans cet environnement, nous attendons de nos partenaires assureurs qu’ils continuent à tarifer nos risques au juste prix, ce qui suppose – à mon sens – qu’ils continuent à réfléchir sur leur structure bilancielle, garante de leur capacité à absorber les chocs, leur niveau de marge et le partage de celle-ci avec leurs différentes parties prenantes.