ATOUT RISK MANAGER N°23

ATOUT RISK MANAGER N°23 I HIVER 2019 45 VEILLE ET POSITION Les administrateurs sont plus conscients du risque climatique aujourd’hui qu’hier mais se disent, selon l’étude de l’IFA (1) , encore sous-informés. Comment faire mieux? Il est indispensable que les administrateurs – dont je suis – soient sérieusement formés à cette question du risque climatique. Je conseille donc aux conseils d’administration de demander à leur management l’organisation, à leur attention, d’une formation avec l’intervention d’un scientifique, un membre du GIEC par exemple. Ensuite, il serait bon d’organiser une session de réflexion avec le management sur les impacts de ce dérèglement climatique pour l’entreprise, en termes de risques et d’opportunités. En effet, ce défi est aujourd’hui surtout pris sous l’angle du risque mais il est nécessaire de faire prendre conscience que c’est aussi et surtout un sujet de devenir de l’entreprise et de définition de sa stratégie à long terme. Pour cela, le recours à l’intelligence économique et aux études sectorielles offre de bonnes ressources. Faut-il confier le suivi de l’enjeu climatique au «Risk Management», en lien avec le comité d’audit et des risques? Une chose est sûre : l’enjeu climatique se doit d’être régulièrement discuté au sein du conseil et il faut donc systématiser son inscription à l’ordre du jour, une fois par an au minimum, plus si nécessaire selon la vulnérabilité de l’activité. L’important est que quelqu’un prenne le sujet en charge, que ce soit le président du conseil d’administration ou le président d’un comité – par exemple, celui du comité d’audit et des risques. Sur la prévention des risques physiques, leur couverture par les assurances, la continuité d’activité… le conseil doit se demander si les risques sont bien pris en compte par le management et s’ils font l’objet d’un plan d’adaptation ou de réduction du risque. Qu’est-ce qu’un conseil d’administration attend de son «risk management» en matière de décarbonation? La première chose à faire, c’est de savoir où en est l’entreprise en mesurant ses émissions de gaz à effet de serre à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Cela permet à l’entreprise de tracer une trajectoire de réduction de ses émissions. La plupart des grands groupes français le font déjà. À partir de là, le Risk Manager peut établir une cartographie des risques – quelle est l’exposition de l’entreprise au dérèglement climatique, sa dépendance à des ressources en raréfaction, son risque d’image en cas d’activité polluante… Le risque de transformation doit aussi absolument être considéré et mesuré : si une société réalise qu’elle doit changer son modèle d’affaires, elle devra peut-être faire face à un manque de compétences internes, former ses salariés en poste ou recruter des talents de l’extérieur. Demême, avant toute décision d’investissement, le conseil d’administration doit exiger les bilans carbones et les impacts climatiques du ou des projet(s) envisagé(s). De plus en plus d’entreprises prennent ainsi en compte le prix du carbone dans le calcul de leur retour sur investissement. Face à l’urgence climatique, est-il possible de piloter une transition «en douceur»? Personne ne sait répondre. Les chefs d’entreprise se demandent comment organiser la transition vers un nouveau modèle d’affaires. L’objectif de décarboner les activités est connu, mais tous observent le voisin. Dans l’univers ultra- concurrentiel d’aujourd’hui, il est périlleux de bouleverser son modèle économique si cela entraîne des hausses de coûts que l’on ne peut pas répercuter sur le prix de vente. Face à cette « tragédie des horizons* », cette complexité à articuler le court et le long terme, les entreprises ont besoin que l’État fixe des règles du jeu. Pour savoir à quoi s’en tenir et avancer. L’Institut Français des Administrateurs (IFA) vient de publier «Le rôle du conseil d’administration dans la prise en compte des enjeux climatiques», un ensemble de recommandations fortes pour que les administrateurs se saisissent de la question climatique. Interview de Françoise Malrieu, la présidente du groupe de travail climat de l’IFA. Propos recueillis par Marguerite Robelin LEDÉRÈGLEMENTCLIMATIQUE, UNENJEUSTRATÉGIQUE DEGOUVERNANCE (1) Les publications de l’IFA, décembre 2019 * Discours en 2015 sur le risque climatique, nouvelle classe de risque financier 2015 de Mark Carney, (gouverneur de la banque du Canada, puis depuis 2013 de celle d’Angleterre et président du Fond de Stabilité Financière), pour jeter un pont alors contradictoire entre les intérêts contradictoires de court et de long terme de la finance. Françoise Malrieu, présidente du comité des nominations de l’IFA est administratrice des groupes La Poste, Engie, Lazard Frères Banque et présidente du conseil de l’Association d’insertion Arescoop.

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