ATOUT RISK MANAGER N°20
ATOUT RISK MANAGER N°20 I PRINTEMPS 2019 33 DOSSIER de prudence par une éthique de la confiance ». Parmi les menaces qui ressemblent le plus à « la course d’un train fou » , figurent le changement climatique. « Les enjeux environnementaux sont extrêmement inquiétants » a rappelé Hélène Valade, Présidente de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises et Directrice du développement durable de Suez, citant en exemple Bouygues, obligé d’arrêter ses chantiers en Australie à cause de températures extrêmes, dépassant les 50°, ou un groupe de luxe stoppant sa production de parfum faute de flacons, perdus dans un typhon en Asie. « Il faut que les grandes comme les petites entreprises découvrent qu’elles peuvent être une partie de la solution » a insisté Hélène Valade. L’OBLIGATION DE LUCIDITÉ DANS L’ENTREPRISE ÉTENDUE Et affirmer haut et fort ses valeurs en fait également partie, surtout dans le climat de crise de confiance actuelle. « Les entreprises sont désormais plus puissantes que les États, elles ne doivent pas attendre que "le ciel leur tombe sur la tête", et se protéger du monde alors que leur impact y est déterminant. L’éthique et les valeurs ne sont pas que de l’ornementation quand on parle de responsabilité sociétale et de performance extra-financière » a souligné Brigitte Bouquot. En 2019, les entreprises doivent donc redéfinir leurs objectifs et ne pas s’en remettre à la puissance publique. « L’État ne garantit plus à l’entreprise tout ce qu’il lui a garanti jusqu’ici, comme la croissance et les gains de productivité. L’État n’a plus la capacité d’amortir les cycles » a confirmé l’économiste Jean-Marc Daniel. La recherche du profit par les entreprises ne peut plus être découplée de leurs responsabilités. Dans ce contexte, pour la Présidente de l’AMRAE, « le Risk Management devient la pensée directrice des entreprises qui agissent pour un monde durable et meilleur » . AFFIRMER LA RAISON D’ÊTRE ET L’ÉTHIQUE Se poser la question de la finalité de l’entreprise conduit à se demander comment inscrire sa contribution de manière durable. Stéphanie Canino, Risk Manager des branches minières d’Eramet, rappelle ainsi ce que Larry Finck, PDG de Black Rock, le plus important gestionnaire d’actifs au monde, a écrit dans la lettre qu’il a adressé en janvier dernier aux entreprises dont il est actionnaire. « La raison d’être d’une entreprise, c’est ce qu’elle fait chaque jour pour créer de la valeur, pour l’ensemble de ses parties prenantes. Il ne s’agit pas de l’unique recherche de bénéfices, mais bien de la force motrice permettant de les réaliser » . Robert Leblanc ne peut qu’adhérer à cet appel à un capitalisme plus responsable : « Prendre des engagements en matière de RSE ne va nullement à l’encontre de la rentabilité des entreprises. Ce n’est vraiment pas un handicap économique, au contraire. Le PDG doit être moteur pour porter ce message » . Et Thibault Lanxade, PDG du groupe Jouve, d’illustrer : « une entreprise utilise en moyenne 15% de la valeur d’un salarié. C’est peu. Les sociétés qui performent, notamment les start- up, font monter ce chiffre à 25%. L’engagement et le partage de la valeur sont un levier fort de management, surtout pour les jeunes générations » . Dans un tel environnement, le rôle du Risk Management et des dirigeants est de contribuer à appréhender tous les risques et à ne jamais perdre de vue l’essentiel : dans le monde libéral où les impératifs financiers ont longtemps été au cœur des stratégies, l’homme doit rester au centre. « Le client, le salarié et le citoyen sont la même personne, en quête de sens et de confiance dans un monde complexe » estime Brigitte Bouquot. n APPRENDRE SES LIMITES ET L’HUMILITÉ Monseigneur Antoine de Romanet Évêque aux armées françaises L’armée est un lieu d'observation exceptionnel : les questions cruciales de notre société comme l’IA et le cyber y sont omniprésentes. C’est aussi un des seuls lieux où l’on réfléchit à un horizon de 25 à 50 ans. Le premier risque, c’est quand l’Homme n’est plus mis au centre, plus respecté. Mais il y en a d’autres, comme l’impérialisme capitaliste, l’absence de fraternité ou l’absence de justice. Gérer le risque, c'est gérer le degré de confiance que l’onporte. Le contrairede la confiance, c’est la peur. Dans les combats aériens, ceux qui ne reviennent pas, c’est souvent ceux qui avaient trop confiance en eux. L’intelligence du risque ne réside pas dans ce que l’on sait, mais dans ce que l’on fait quand on ne sait pas. La première chose que l'on fait au séminaire ou à l'armée est d'apprendre ses limites physiques et intellectuelles, et l’humilité face à un chef, un collaborateur ou aux événements extérieurs. De la même façon, le Risk Manager doit être humble face à ses limites, face aux événements extérieurs, aux concurrents et à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise. Pour remplir sa mission, il lui faut percevoir les signaux faibles, grâce à l’écoute, au bon sens et à l’instinct, dans une approche holistique. En ce sens, le Risk Manager n’est pas celui qui écrase ou qui impose, mais celui qui fait jaillir la confiance. Thibault Lanxade, PDG du groupe Jouve Jean-Marc Daniel, Économiste « L’engagement et le partage de la valeur sont devenus un levier fort de management, surtout pour les jeunes générations. » Thibault Lanxade, PDG du groupe Jouve
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