ATOUT RISK MANAGER N°20

ATOUT RISK MANAGER N°20 I PRINTEMPS 2019 30 DOSSIER La collapsologie ou comment envisager les ruptures Alors que le mot de résilience est dans tous les discours, la menace d’effondrements locaux voire globaux semble se préciser. Les différents scénarios possibles alimentent la collapsologie, une nouvelle discipline, qui intéresse autant les assureurs, les scientifiques que les collectivités locales. Peut-être une nouvelle commission à l’AMRAE ! ifficile sujet que celui de l’effondrement des civilisations et des systèmes complexes » reconnaît en préambule Franck Grimonpont, Directeur des assurances du groupe Suez et modérateur de l’atelier face à une assistance venue en nombre. D’entrée, Arthur Keller, consultant, auteur et spécialiste de cette discipline, cadre les débats : « La collapsologie est un néologisme créé en 2015 par Raphaël Steven, mais ses fondements se retrouvent dès 1972 dans le rapport "limits to growth" du Club de Rome. Leurs auteurs avaient prévu un effondrement de la civilisation au 21 e siècle. Et pour le moment, on suit leur courbe… » DES SIGNAUX ÉVIDENTS « 97% des transports mondiaux dépendent du pétrole, le sabledeconstructionest en rupturede stock en Asie, les réserves de phosphore seront épuisées en 2030… Disparition des espèces, raréfaction des ressources : les signaux d’alerte sont là » énumère Arthur Keller. Pour autant, le message des collapsologues a longtemps eu du mal à percer, souvent amalgamé au mysticisme. « Mais, les mentalités sont en train d’évoluer. La réponse ne viendra pas des gouvernements, mais des citoyens, des entreprises et des territoires » estime-t-il. « Il faut dès aujourd’hui commencer à décroître matériellement et énergétiquement, tout en construisant des plans de sauvegarde, qui prendront la relais le jour où tout s’effondrera. Car ce n’est pas un risque, mais un processus en cours, dont la probabilité est de 100% ». FAIRE FACE AU BLACKOUT D’UNE VILLE Chez Suez, Franck Grimonpont s’est intéressé à une niche de la collapsologie qu’est la gestion du risque d’infrastructures. On estime ainsi que les États-Unis devraient consacrer 450 Md$ à la maintenance de leurs infrastructures critiques d’ici 2025, notamment les canalisations d’eau souterraines… « Peu visibles, ces installations souvent anciennes n’attirent pas les ressources humaines et financières que leur état exigerait » . Particulièrement critique, l’interdépendance des systèmes informatiques est soumise au risque cyber mais aussi au risque méconnu de « Carrington Event » (éruption solaire séculaire de forte magnitude affectant les systèmes électriques) : AIG, MunichRe, SwissRe ou AXA s’y sont notamment penchés, avec un coût des dégâts estimé à 163 Md$ et deux ans de réparation… « Nous avons bâti nos sociétés sur des châteaux de carte, nous devons gagner en résilience en rendant les réseaux moins interdépendants ». LE RÔLE MAJEUR DE L’ASSUREUR « Les scénarios des collapsologues peuvent paraître illusoires, excessifs et les solutions inapplicables ou politiquement orientées. Pour autant, si le risque existe, on ne peut l’ignorer. Une société qui connaît le risque peut s’organiser pour le gérer et le limiter. C’est ce que l’assureur fait en analysant les données passées pour anticiper leur futur survenance » estime Corinne Vitrac, DG d’AXA Matrix. Et d’ajouter : « Notre rôle est d’apporter notre contribution pour limiter la survenance de risques catastrophiques et réduire les impacts, enmontrant l’exemple via nos stratégies d’investissement et en développant la prévention » . Et Franck Grimonpont de conclure : « le sujet de l’effondrement est si important que nous pensons créer une commission dédiée à l’AMRAE ». n « D Arthur Keller, Consultant, auteur et spécialiste de collapsologie Corinne Vitrac, DG d’AXA Matrix Franck Grimonpont, Directeur des assurances du groupe Suez et modérateur « Nous devons gagner en résilience en rendant les réseaux moins interdépendants. » Franck Grimonpont, Directeur des assurances du groupe Suez

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