ATOUTRISK N°15 HD

VEILLE ET POSITION Au risque d’image, vient s’ajouter le risque légal. Dans un esprit proche de celui de la récente loi française sur le devoir de vigilance des socié- tés-mères, plusieurs législations encadrent actuellement l’utilisation des métaux. UNE DÉMARCHE DE RISK MANAGEMENT SUR LES CHAÎNES D’APPROVISIONNEMENT En 2010, les États-Unis ont adopté une législation sur les minerais de conflit : la loi Dodd-Frank sur la réforme de Wall Street et sur la protection des consommateurs. Cette loi exige des entreprises cotées à la bourse de New-York et inscrites à la SEC (Securities and Exchange Commission) qu’elles s’acquittent d’un devoir de diligence en ce qui concerne les métaux (étain, tantale, tungstène et or) provenant de la République démocratique du Congo. De même, l’Organisation de coopération et de développement écono- miques (OCDE) a publié en 2011 un guide sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque - guide considéré comme le stan- dard de référence par les entreprises. Dans la même optique que la loi américaine, l’Union européenne a adopté le 16 mars 2017 un règlement visant à endiguer le commerce des quatre métaux - étain, tantale, tungstène et or. Ce texte prévoit un « devoir de diligence », c’est-à-dire l’obligation pour les entreprises de veiller à ce que leurs importations de minerais et de métaux visés par le règlement et atteignant certains seuils, proviennent exclusi- vement de sources responsables. Le règlement s’appliquera directe- ment aux importateurs européens (entre 600 et 1000 entreprises) et concernera indirectement environ 500 fonderies et affineries, qu’elles soient implantées ou non sur le territoire de l’Union européenne. C’est une véritable démarche de Risk Management qui est instaurée par le règlement puisque les entreprises devront évaluer le degré de risque associé à leur approvisionnement en matières premières prove- nant d’une région de conflit donnée, évaluer la probabilité que ces matières premières servent à financer des conflits ou que leur extrac- tion implique du travail forcé. En contrôlant la source, elles pourront dès lors s’assurer qu’elles ne contribuent pas à financer des conflits. Le règlement oblige les importateurs à adhérer au Guide OCDE, fixant un cadre d’action en cinq étapes (cf. encadré ). Les importateurs de l’Union européenne devront se plier à un certain nombre d’obligations allant du recensement des métaux importés à l’indication de leurs fournisseurs et des quantités importées. En cas de non-respect du règlement, l’État ordonnera à l’entreprise de remédier au problème dans un délai imparti et assurera un suivi approprié. LES ENTREPRISES ORGANISENT LEUR PROCESSUS DE CONFORMITÉ Bien que l’entrée en vigueur du règlement européen ne soit prévue que pour le 1 er janvier 2021 dans l’Union européenne, « il est vivement recommandé aux entreprises concernées par le règlement de commencer à remplir leur devoir de diligence avant cette date », souligne Louis Maréchal, expert sur le sujet à la Direction des affaires financières et des entreprises de l’OCDE. Face aux nouvelles obligations légales européennes et aux enjeux de trans- parence accrus, les entreprises via leurs services de Risk Management et leurs services achats, sont en première ligne dans l’évaluation des risques concernant leurs chaînes d’approvisionnement. « Elles peuvent se saisir de ce nouveau cadre pour faire émerger des opportunités comme l’améliora- tion de la connaissance de leur chaîne d’approvisionnement, qui participe par ailleurs à limiter les ruptures d’approvisionnement », indique Louis Maréchal. Et l’industrie électronique s’organise déjà dans ce sens. En 2008, une initiative d’approvisionnement (Conflict Free Sourcing Initiative) a vu le jour afin de proposer aux entreprises un programme de fonderies exemptes de minerais de conflit. L’objectif : vérifier via des audits que les fondeurs ne traitent que des métaux dont l’origine est certifiée comme ne provenant pas de zones de conflit. Un modèle de reporting standardisé et gratuit, facilitant le transfert d’informations à travers la chaîne d’approvisionnement concernant l’origine du pays des métaux, les fonderies et raffineries utilisées est également proposé. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises de secteurs différents parti- cipent à cette initiative. RETEX : LA DÉMARCHE DE CONTRÔLE DU FABRICANT DE TÉLÉPHONE FAIRPHONE Le fabricant néerlandais Fairphone a incorporé au cœur de son business model une démarche de gestion des risques approfondie, passant tout d’abord par une «cartographie du trajet du téléphone». « Pour améliorer la façon dont notre téléphone est fabriqué, nous devons savoir d'où il vient. Notre objectif est de suivre chaque composant que nous utilisons pour fabriquer le Fairphone - du début à la fin. Nous carto- graphions notre chaîne d'approvisionnement afin de visualiser le flux de matériaux et le processus pour mieux le comprendre », explique Fabian Hühne, Responsable Presse de Fairphone. En analysant sa chaîne d'approvisionnement, l’entreprise est en me- sure de tracer les métaux qu’elle utilise et par conséquent de choisir des sources d’approvisionnement exemptes de minerais de conflit. Carteduparcoursde l'étainetdutantaleutilisésparFairphone,dusiteminierà l'usine ©Fairphone Fabian Hühne, Responsable Presse de Fairphone ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE I N°15 I HIVER 2017/2018 55

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