ATOUTRISK N°15 HD

DOSSIER CAPTIVES : LES DÉFIS DE LA MATURITÉ Laurent Bonnet, Directeur du pôle Financements alternatifs, Gras Savoye Willis Towers Watson Fabien Graeff, Responsable financement des risques et solutions captives, Marsh PROPOSER DES PISTES D’AMÉLIORATION Depuis plusieurs années, l’APREF (Association des Professionnels de la Réassurance en France) travaille sur ce sujet en intégrant les contributions des diffé- rents acteurs (Réassureurs, Assureurs, Risk Managers, Gestionnaires, Courtiers, etc.) Ces travaux permettent également d’encourager l’at- tractivité de la place de Paris. « L’esprit de Solvabilité2 était de faire évoluer le contrôle vers un accompagnement des entreprises. En France, les mentalités prendront un peu de temps à évoluer. C’est dommage car cela n’incite pas les captives à venir s’installer, alors qu’il existe un gros vivier de compétences en région parisienne » déplore de son côté Jean-Marie Nessi, Président de la commission Réassurance et Prospective de l’APREF. « La place de Paris n’est pas particulièrement accueillante pour les captives, car elle ne les considère pas comme un véhicule différent du marché classique, avec des besoins spécifiques » regrette Etienne de Varax, Directeur Offre et Services Alternative Risk Transfert deHDI Gerling, membre du groupe de travail de l’APREF et membre du Conseil Scientifique Permanent de l'AMRAE. Le fruit de ces échanges et réflexions a donné lieu à un rapport, remis fin novembre 2017 à Denis Kessler, Président de l’APREF. ÉLARGIR LA PROVISION POUR ÉGALISATION À LA FRANÇAISE Parmi les propositions émises par les professionnels du secteur, les deux plus impactantes sont en premier lieu l’élargissement à tous les risques de la Provision Pour Égalisation française existant dans le code des assurances (aujourd’hui limitée à certains risques, voir encadré), afin de se rapprocher du régime de la PFS Luxembourgeoise (Provision pour Fluctuation de Sinistres). Obligatoire pour toutes les sociétés de réassurance, dont les captives, cette PFS permet de lisser les réserves dans le temps et de financer les risques des entreprises sur le long terme. « En obligeant les entreprises à mettre tout ou partie de leur résultat en réserve, la PFS leur permet de pouvoir gérer dans le temps les fluctuations qu’elles ne maîtrisent pas, comme faire face à un sinistre mal provisionné ou qui se déclarera dans le futur » confirme Laurent Bonnet. À noter que cette provision est strictement encadrée et en cas de dépasse- ment, l’entreprise paiera dessus l’impôt sur les sociétés luxembourgeois, proche de 30%. « Ne pouvoir constituer des réserves pour les sinistres futurs avec la PPE que sur quelques lignes, contrairement à la PSF luxembourgeoise qui est transversale, peut rapidement mettre une captive en danger » renchérit Philippe Vienot. APPLIQUER LE PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ Deuxième point d’avancement qui procurerait un avantage comparatif à la France : que le régulateur tienne compte des ressources limitées des captives et accepte d'appliquer le principe de proportionnalité, contenu dans Solvabilité 2, aux captives couvrant des risques simples et peu nombreux. « Cela permettrait notamment d’alléger le poids des contraintes de repor- ting et des coûts induits » estime Philippe Vienot. « La notion de proportionnalité est un principe, c’est aux ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE I N°15 I HIVER 2017/2018 35 Que pensez-vous de la proposition d’étendre la Provision pour Égalisation pour se mettre au niveau de la PFS Luxembourgeoise ? Il est exact qu’au Luxembourg la Provision pour Fluctuation de la Sinistralité (PFS) peut être constituée pour l’ensemble des activités de la captive alors qu’il existe dans le code des assurances français une liste limitative des risques pour lesquels il est possible de consti- tuer une provision d’égalisation (PE). Ceci dit, cette liste est large puisqu’elle couvre no- tamment les événements naturels, la RC en- vironnementale, le transport aérien, le spa- tial, le terrorisme, le décès et les dommages corporels. Je n’exclus pas que s’engagent avec la Profession et les Pouvoirs Publics des discussions en vue d’une possible évolution de la réglementation française mais il ne faut pas exagérer l’importance de ce sujet qui n’a qu’un impact très marginal pour l’attractivité de la place de Paris. Undeuxièmeargumentconcerneleprincipede proportionnalité prévue dans Solvabilité 2… L’ACPR et l’EIOPA sont directement concernés par ce sujet. Au niveau de l’Europe, nous avons tous la même lecture de la directive. Celle-ci s’applique à tous les États membres, y compris sur la question des règles de proportionnali- té. Même s’il subsiste encore chez certains superviseurs des pratiques perçues par le marché comme plus favorables, celles-ci vont rapidement converger. Nous y travaillons. À terme nos pratiques de supervision seront parfaitement homogènes. Prendre en compte, pour le choix d’implantation d’une captive, la souplesse supposée du superviseur national n’est donc pas, à mon avis, une bonne idée. Le Brexit est d’ailleurs, pour les superviseurs eu- ropéens, une raison supplémentaire de faire converger leurs pratiques. Ils sont en effet très attachés à ce que les assureurs installés à Londres ne fassent pas jouer la concurrence s’ils souhaitent, pour bénéficier du passeport européen, créer une filiale dans l’un des États membres. Mais peut-on faire plus pour les captives en matière de proportionnalité ? Notre vision est claire : une captive est une société d’assurance ou de réassurance à part entière. Si elle est de taille réduite et si ses activités ne sont pas complexes, le principe de proportionnalité s’applique. Le calcul du SCR pourra être simplifié et les exigences en matière de fréquence des reporting ou de gouvernance pourront être réduites. Faut-il aller plus loin et simplifier davantage ? C’est un débat qui n’est pas spécifique aux captives. Il touche l’application même du principe de proportionnalité prévue par la directive. Les revues de Solvabilité 2 en 2018 et 2020 seront l’occasion de revisiter ces questions et, peut- être, de procéder à certains aménagements.

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