ATOUTRISK N°15 HD

DOSSIER CAPTIVES : LES DÉFIS DE LA MATURITÉ de coûts sont le prix à payer pour une industrie qui devient mature ». Fabien Graeff chez Marsh en convient : « Il est vrai que l’utilisation des captives par les Risk Managers est devenue plus coûteuse et plus technique depuis l’entrée en vigueur de Solvabilité 2, mais contraire- ment à ce que beaucoup craignaient, les captives en sortent renfor- cées, car cela a permis de formaliser les modes de gouvernance et de renforcer les échanges entre Directeurs financiers et Risk Managers, qui cherchent ensemble à optimiser les usages. En ce sens, Solvabilité 2 a eu un effet très sain ». Un avis partagé par Marine Charbonnier qui se réjouit, en tant qu’assu- reur, que la réglementation ait apporté aux captives un mode de fonc- tionnement très professionnel, tant en termes de prises de décisions et que de projections d’activité, et ce dans un dialogue constructif. « La crainte de nombreux assureurs était de ne pas avoir assez de fonds propres et de se retrouver sous-capitalisés. Mais finalement, les taux de solvabilité sont bons ! 90% de nos clients ont passé le cap Solvabilité 2 sans avoir besoin de procéder à une recapitalisation de leurs captives » ajoute Etienne Charpentier d’Aon. Un constat particulièrement vrai pour celles qui existent depuis longtemps et ont pu accumuler des bénéfices au fil des ans. BEPS : LES CAPTIVES DANS LE COLLIMATEUR DE L’OCDE Autre évolution du contexte réglementaire, les recommandations BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) émises par l’OCDE en 2016, et mises à jour en mars 2017, ont pour objectif de lutter contre l’érosion de la base fiscale et les transferts de bénéfices. Elles conduisent les entreprises à respecter de bonnes pratiques, imposant notamment aux captives une substance juridique effective et des niveaux de primes techniquement équivalents à ceux proposés par le marché. Ces recommandations, d’une actualité brûlante suite aux récents « papers », font référence aux stratégies de planification fiscale qui exploitent les failles et les différences dans les règles fiscales. « Les captives, notamment, sont dans le collimateur car elles sont vues par l’OCDE comme un moyen de déplacer des revenus d’un pays à un autre, pour bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse. Cette suspicion génère un vrai risque de réputation » explique Laurent Bonnet de Gras Savoye, avant d’ajouter : « C’est donc devenu une préoccupation du marché de démontrer que les captives ne sont pas cet outil tant décrié, en expliquant et en documentant les raisons qui ont conduit à leurs créations. Nous soutenons pleinement nos clients dans cette démarche ». Lors d’un débat intitulé « Challenges et opportunités des captives dans un monde post-BEPS » organisé dans le cadre du Forum 2017du FERMA, Carl Leeman, Chief Risk Officer de KatoenNatie, a souligné l'importance d’être attentif aux trois «  lignes de défense » des captives : justification, substance et gouvernance, sans bien sûr oublier les prix de transfert. L’ensemble des participants ont confirmé qu’il fallait faire preuve de proactivité dans la justification de l'utilisation d'une captive, proacti- vité qui pourrait se résumer en trois mots : documenter, documenter, documenter. De son côté, Praveen Sharma, Directeur général de Global Leader, la structure conseil en réglementation et en fiscalité de Marsh, a rappelé que l'objectif principal de l'OCDE avec BEPS était de « déve- lopper un système fiscal international plus juste, cohérent et efficace ». Néanmoins, Philippe Vienot, Risk Manager du groupe BNP PARIBAS estime que « BEPS a été rédigé par des fiscalistes, qui ont une mécon- naissance de la réalité des captives européennes et de leur utilité pour les Risk Managers. Ils les ont assimilées aux captives américaines dont certaines sont plus axées sur l’optimisation fiscale » regrette-t-il. Et Fabien Graeff d’ajouter : « BEPS a fait du mal au secteur et appelle de nombreuses questions. Les captives ont des business models spécifiques. Imposer un nombre minimum d’employés à une captive, par exemple, n’a pas de sens puisque l’efficience des captives repose en grande partie sur la réalisation d’économies d’échelle et que son activité au quotidien ne justifie pas économiquement un employé à plein temps ». FERMA À LA MANŒUVRE FERMA a tenté de faire passer ce message : c’est même la seule asso- ciation professionnelle qui a eu la possibilité de rencontrer Pascal Saint-Amans, Directeur du centre de politique fiscale et d’adminis- tration de l’OCDE sur cette question. Au cœur de cette démarche, la volonté de modifier la perception des captives et de mettre en lumière l’utilisation efficace qu’en font les Risk Managers, en plaidant notam- ment en faveur du principe de proportionnalité. Pour les rapporteurs du FERMA, par exemple, une société captive ne devrait être obligée à avoir une substance suffisante (locaux, salariés etc…) qu’à partir du moment où sa gestion nécessite plus de 1000 heures de travail par an. En-deçà, le recours à une société de gestion devrait être accepté sans être apparenté à du détournement de fonds. Les échanges sont lancés et le dialogue reste ouvert… Et le tableau n’est pas aussi noir que cela puisqu’à en croire Stephen Morton, Directeur des programmes internationaux chez AIG, « de plus en plus de captives reviennent sur le continent européen depuis des zones off-shore, notamment pour des raisons d’image perçue. Le BEPS et le Brexit devraient favoriser l’essor de captives en Europe continentale ».   L’AVIS DE l’AMRAE « En ce qui concerne les captives de réassu- rance basées à Luxembourg, l’un des inté- rêts de cette localisation est la possibilité de constituer des provisions reportables d’année en année pour faire face aux sinistres futurs potentiels. Ce mécanisme existe aussi dans le Code des impôts français et l’article 39 quinquies G à 39 quinquies GB du CGI liste la nature des risques couverts par les différentes provisions pour égalisation qui pourraient être dotées en France. Pourquoi ne pas essayer d’utiliser cet article existant et en demander l’extension à de plus nombreux périls pour per- mettre aux captives de réassurance qui s’établiraient en France de bénéficier des mêmes avantages que celles du Luxembourg ? Toutes les parties prenantes y gagneraient en termes de clarification des situations et de simplicité de gestion. L’AMRAE souhaite travailler sérieusement sur cette option désormais ». Anne-Marie Fournier, Vice-présidente de l’AMRAE en charge du scientifique ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE I N°15 I HIVER 2017/2018 33

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