ATOUTRISK N°15 HD

DOSSIER CAPTIVES : LES DÉFIS DE LA MATURITÉ Comment utilisez-vous votre captive ? Les assurances corporate du groupe BNP Paribas utilisent en réalité 2 captives, une d’assurance créée en 2005 et une de réas- surance, datant des années 80. L’objectif principal de ces struc- tures n’est pas tant de protéger le bilan déjà robuste du groupe, que de protéger le P&L des petites entités du groupe à travers le monde. La captive nous permet en effet d’offrir aux filiales fragiles ou de petite taille des niveaux de franchise bas, qu’aucun assureur commercial ne leur proposerait. Nous utilisons égale- ment nos captives pour amortir et lisser la volatilité du marché. Par exemple, lorsque les primes du secteur bancaire ont doublé suite à la crise financière de 2007, nous avons pu maintenir grâce à nos captives des garanties et des prix stables. N’ayant pas subi de sinistralité, nous n’avions aucune raison de doubler nos primes. Quels risques y placez-vous ? Traditionnellement on couvre dans les captives les risques de fréquence et de faible amplitude (dommages, flottes auto). Dans notre groupe, nous y plaçons également certains risques propres aux institutions financières, dont les assureurs ne sont pas très friands, à savoir la fraude et la RC Professionnelle. En effet, il n’y a qu’une quarantaine de grandes banques globales à l’échelle mondiale, frappées par les mêmes risques systémiques. Faute d’équilibre économique pour les assureurs commerciaux, ceux-ci sont frileux sur les tarifs, franchises et garanties accordées aux banques. Celles-ci sollicitent donc souvent leurs captives pour proposer en intra-groupe des textes de police et niveaux de fran- chise acceptables. Autre intérêt des captives, sur les lignes finan- cières, nous sommes parvenus grâce à la captive à faire passer la durée d’instruction de la plupart des sinistres de 7,5 ans (durée moyenne sur le marché) à 18 mois. Quand nous le pouvons, nous évitons d’y placer les risques « long tail » comme la RC générale, a fortiori lorsque le marché de l’assurance est très compétitif. Et le risque cyber ? Nous ne souscrivons pas de police cyber directement, mais notre captive réassure en partie un assureur du marché, qui nous fait bénéficier de son réseau et ses experts techniques et juridiques dans le monde entier. C’est un marché récent où il y a très peu de recul et d'expérience sur les polices : la sinistralité évolue très rapi- dement et l'appréciation des risques, donc la tarification, restent un exercice éminemment difficile. Nos captives sont donc dans une phase d’apprentissage et d’observation dans ce domaine. Quels sont les enjeux actuels pour les Risk Managers ? En premier lieu, la régulation et les exigences de conformité, qui deviennent extrêmement pesants alors qu'un des avantages des captives était justement leur souplesse et leur rapidité d'interven- tion. Solvency 2 et BEPS représentent des contraintes nouvelles qui amènent les groupes à réfléchir au rapport bénéfices/contraintes des captives, notamment des captives directes. Ce rapport se dégrade de plus en plus. Ensuite, l'absence de coordination entre les régulateurs d’assu- rance à l’international. Les risques et les besoins assurantiels des multinationales ne sont pas leur priorité, et cela fait peser une incertitude sur les grands programmes internationaux d'as- surance, notamment quant au traitement fiscal des primes et surtout des indemnités d'assurance. Par ailleurs, l’absence d’application du principe de proportion- nalité renforce les exigences et les ressources à mobiliser. EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) n'ayant pas indiqué ce qu'il accepterait en termes de propor- tionnalité pour les captives vis-à-vis de Solvency 2, les régula- teurs des principaux domiciles appliquent strictement les règles, sans aucune proportionnalité, avec en arrière-plan, j’imagine, la crainte d’être taxés de paradis fiscaux. Enfin, les petites captives ou captives mono-risques sont très pénalisées par Solvency 2 du fait de l’absence de mutualisation, ce qui peut conduire certains groupes à fermer leurs captives. Comment voyez-vous l’avenir de vos captives ? Une captive ne doit pas être un objectif en soi, c’est un outil dont il faut mesurer régulièrement l’efficacité, notamment si leur gestion devient complexe et coûteuse. Dans notre cas, les captives n’ont pas vocation à réaliser des profits « sur le dos » des entités du groupe ; elles visent l’équilibre légèrement profitable. Dans le contexte de pression réglementaire actuelle, j’essaye d’anticiper, en faisant réaliser un audit par des consultants extérieurs. Nous n’excluons pas de fermer notre captive directe si le rapport béné- fices/contraintes diminue. INTERVIEW DE PHILIPPE VIENOT, RISK MANAGER DU GROUPE BNP PARIBAS «Je n’exclus pas de fermer bientôt la captive directe du Groupe» le rôle du Risk Manager qui est amené à dialoguer avec les RH » confirme Véronique Perottino, Directrice commerciale de HDI Gerling. « Ce sont des projets complexes à mettre en place car les filiales sont en général plus autonomes en matière d’assurances de personnes, compte tenu des fortes disparités et réglementations locales » explique Marine Charbonnier. Pour Fabien Graeff, Responsable financement des risques et solutions captives de Marsh, souscrire des « Employee Benefits » dans la captive permet au Risk Manager « d’optimiser les excès de fonds propres au regard de Solvabilité 2, car leur souscription est généralement peu coûteuse en fonds propres pour des volumes de primes importants et une volatilité faible. Le vrai enjeu repose souvent sur la maîtrise des frais de gestion, sur lesquels il n’a en général que peu de visibilité… ». De fait, dans ce domaine des assurances de personnes, la mise en œuvre d’une gouvernance claire entre Risk Manager, Finance et RH est réellement la clé, ce qui pourrait expliquer en partie le processus plus long d’inté- ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE I N°15 I HIVER 2017/2018 30

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