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ATOUT RISK MANAGER N°33 I ÉTÉ 2022 53 Veille et position - Conflit Russie-Ukraine activités sont très concentrées sur des catégories de produits qui se situent très en amont des filières industrielles : céréales, huiles alimentaires, sidérurgie, métaux, pétrole, gaz. » Les experts de TAC Economics ont identifié une vingtaine de produits critiques, pour lesquels la Russie et l’Ukraine fournissent au moins 20 % des importations mondiales : huiles végétales, tourteaux de tournesol, fertilisants, fer, charbon, caoutchouc, nickel, uranium…« Chaque pays de la planète dépend de la Russie ou de l’Ukraine pour au moins l’un de ces approvisionnements critiques, observe Thierry Apoteker. Les pays d’Europe centrale et orientale, d’Asie centrale, du Moyen-Orient et d’Afrique sont particulièrement concernés. Mais des pays aussi éloignés que le Brésil ou les USA le sont aussi. » On peut donc s’attendre à des chocs de prix se répercutant sur l’ensemble de la chaîne de valeur : « 70 % du néon hautement purifié nécessaire à la fabrication de semi-conducteurs est produit en Ukraine », explique Thierry Apoteker. Les producteurs chinois et taïwanais se préparent déjà à des ruptures d’approvisionnement qui vont pénaliser de nombreuses filières industrielles, à commencer par l’automobile. Scénarios de crise « Nous sommes entrés dans cette crise avec un bon niveau de croissance, mais aussi avec les cicatrices de la crise sanitaire », poursuit Ludovic Subran, économiste en chef d’Allianz. Ces cicatrices, c’est le retour de l’inflation, la d é s o r g a n i s a t i o n d e s c h a î n e s d’approvisionnement, une dislocation du marché du travail, des inégalités patrimoniales records et des politiques publiques qui ont du mal à rembobiner le film du «quoi qu’il en coûte». Nous devons nous préparer à subir une crise énergétique qui n’égale pas encore le choc pétrolier de 1973, mais qui devrait coûter environ un point de croissance et 1,5 point d’inflation. Voiredavantage : « Parmi lesdifférents scénarios que nous avons établis, le plus extrême se traduit par trois points d’inflation supplémentaires et deux points de croissance en moins », explique Ludovic Subran en évaluant sa probabilité de réalisation à 30 %. « Mais nous n’en sommes pas là! Le gaz continue à couler, et même plus abondamment qu’avant le 24 février dernier. Nous devons néanmoins trouver des moyens de protéger les ménages et les entreprises les plus exposés à l’augmentation de la facture énergétique. » Les risques de tensions politiques et sociales n’ont en effet « jamais été aussi élevés, aussi bien dans les pays développés que dans les pays émergents, observe Jean-Christophe Caffet, économiste en chef deCoface. Ces tensions sont catalysées par la hausse du prix des besoins primaires : énergie, logement et alimentation. » Or l’inflation, « déjà élevée avant la guerre, a encore augmenté : 8,5 % aux USA et 7,5 % en Europe. De phénomène transitoire après la crise du Covid-19, elle s’ancre aujourd’hui dans la durée. » La perturbation des chaînes de valeur « qui était le sujet central de 2021 », commençait tout juste à se résorber. La guerre en Ukraine la relance : « Il y adegrandes chancesque lecoût de l’énergie ainsi que les restrictions sur le fret et le transport donnent de nouvelles sueurs froides aux directeurs des achats dans le secteur manufacturier », prédit Jean-Christophe Caffet. A fortiori si la pandémie reprend en Chine : « Actuellement, 40 % de la population chinoise est sous confinement partiel ou total. ». Face à un tel choc d’offre, « Il n’y a pas grandÉconomiste en chef de Coface, Jean-Christophe Caffet (en haut de l'écran) met en garde contre la montée des risques politiques et sociaux découlant du retour de l’inflation : «Avant même la guerre en Ukraine, ce risque n’avait jamais été aussi élevé dans les pays développés aussi bien que dans les pays émergents.»

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