ATOUT RISK MANAGER N°24

ATOUT RISK MANAGER N°24 I PRINTEMPS 2020 9 PORTRAIT d’exploitation sans dommages, il n’y aura que ça : risques politiques, cyber, e-reputation, pandémie… Les risques seront immatériels avec des conséquences humaines et toujours essentiellement financières » , prédit-elle en nous faisant visiter les bâtiments du XVII e siècle réhabilités, les jardins avec vue sur l’hôtel Matignon, le showroom de Kering Eyewear. Elle nous guide ensuite jusqu’à son bureau. Sur un mur, les photos de son équipe, dans une parodie de campagne publicitaire où chacun porte des lunettes signées Gucci, le navire amiral de Kering. Anne-Marie Fournier prend aussi la pose. Sur ses étagères, du thé «Detox » et une copie du baiser de Brancusi sculptée par ses soins, en bonne place à côté du code des assurances. Chez Kering, comme à l’AMRAE (lire ci-dessus) elle s’est sculpté une réputation de choc. MER DU NORD ET ROLLER COASTERS Les assurances… elle en vient. Avant de rejoindre Kering en 2004 (alors PPR), Anne- Marie Fournier avait en effet passé dix-neuf ans dans le courtage, « J’étais tombée dans l’assurance par hasard, au détour d’un stage chez Elf Aquitaine où j’ai travaillé sur l’assurance des plateformes pétrolières en mer du Nord, après mes études de droit et de langues (elle parle allemand, anglais et italien). Je serais bien restée dans le groupe pétrolier, mais c’était la crise… du pétrole » . Elle rejoint alors en 1984 Sedgwick (devenuMarsh) où elle s’occupe toujours des plateformes pétrolières en Norvège, notamment depuis Londres. Sedgwick est alors le numéro 1 du courtage en Angleterre. Elle vit quelques mois de l’autre côté de la Manche pour suivre le secteur maritime. Not her cup of tea : «Un univers ultra masculin à l’époque mais une très belle entrée en matière pour l’assurance » , résume Anne- Marie Fournier. De retour sur le continent, elle rejoint SGCA (passé sous le contrôle d’Aon) où elle est en charge de clients internationaux, puis part quelques années plus tard chez Gras Savoye où elle est responsable du département Responsabilité civile grands risques industriels. « Le courtage est une très bonne école, on a l’impression de faire partie de l’équipe client » . Ses clients, sont déjà à l’époque PPR (ancêtre de Kering), mais aussi Valeo, EuroDisney ou BIO EXPRESS 57 ans, parisienne pur sucre, normande d’adoption (chaque été, elle s’occupe à titre bénévole du festival Offenbach Etretat et cherche les sponsors), diplômée d’une maîtrise de droit à l’université Assas et d’un diplôme trilingue à l’Institut supérieur d’interprétation et traduction (Isit), Anne-Marie Fournier a fait ses armes pendant près de vingt ans dans le courtage. Avant de rejoindre Kering en 2004 - qui était alors le groupe Pinault-Printemps-La Redoute (PPR) - au poste de Risk Manager. Elle a vécu la transfiguration du groupe familial devenu le numéro 2 mondial du luxe, avec un virage radical à l’international, son «dada» , dit-elle. Une mutation à 90° comme elle les affectionne, «J’aime le mouvement» , dit-elle. Un mouvement dans lequel elle a accompagné son équipe : «Malgré la transfiguration de Kering, je suis fière de n’avoir laissé personne sur le bord du chemin» , se félicite Anne-Marie Fournier. Administratrice de l’AMRAE en 2006, vice-présidente chargée du pôle scientifique (de 2008 à 2018) qu’elle a créée et qui réunit des universitaires, des administrateurs, des courtiers, des assureurs, des experts indépendants, elle loue la vision à long terme de l’Association, «sa capacité d’anticipation, et de partage avec les autres industries» . Le référentiel métier du Risk Manager, c’est elle. L’indicateur du coût des risques entreprise à destination des assureurs, c’est elle aussi (avec la présidente de l’AMRAE, Brigitte Bouquot). «Ça n’a pas pris, on a eu raison trop tôt… », sourit-elle après coup. « Demain, les pertes d’exploitation sans dommages, il n’y aura que ça : risques politiques, cyber, e-reputation, pandémie… Les risques seront immatériels avec des conséquences humaines et toujours essentiellement financières. »