ATOUT RISK MANAGER N°24

ATOUT RISK MANAGER N°24 I PRINTEMPS 2020 31 DOSSIER - RISQUE(S) EN PUISSANCE(S) BERNARD CAZENEUVE, ANCIEN PREMIER MINISTRE, AVOCAT ASSOCIÉ AU SEIN DU CABINET AUGUST DEBOUZY Aujourd’hui, l’État et la Nation font face à des défis planétaires, la maîtrise des risques redevient politique : quel est l’équilibre entre ces nouveaux risques et la souveraineté des États? La plupart des risques auxquels les Nations doivent désormais faire face ont une dimension qui oblige les États à dépasser le périmètre classique de leur intervention : qu’il s’agisse du risque cyber, du maintien à un niveau élevé de la menace terroriste, des pressions susceptibles de résulter des grands mouvements migratoires ou des crises sanitaires les plus importantes, comme le coronavirus, l’ensemble de ces défis appellent des solutions qui relèvent de politiques publiques transnationales, et doivent s’articuler à celles initiées par les États. En matière de lutte antiterroriste, le rehaussement des moyens des forces de sécurité intérieureoudu renseignement français ne donneraient que des résultats limités sans le renforcement de la coopération entre les services de renseignement européens, sans celui des contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, sous l’égide de l’agence Frontex. Dire cela lucidement, ce n’est pas faire le constat d’unétiolement de la souverainetédesÉtats,mais bien au contraire souligner sonprolongement par cellequepermettent les institutions européennes oudes ensemblesmultilatéraux plus vastes, où se nouent des coopérations pertinentes. Quelle est la souveraineté des États dans un mondeéconomiqueoù certainsGafa cherchent à se substituer à eux, certains se rêvant en État- Nation : sont-ils devenus plus puissants que les États? Même si certains géants numériques ont acquis un pouvoir considérable, essentiellement économique et technologique, ils ne disposent pas et nedisposeront jamaisdes instrumentsde la puissance régalienne et souveraine. Nous avons vu d’ailleurs à quel point le Règlement général sur la protection des données ou le Cloud act sont parvenus à rappeler à ces acteurs que la puissance publique dispose encore du pouvoir d’édicter des normes destinées à encadrer leurs activités et leurs ambitions de puissance. L’Étatet laNationont-ilsdesoutilsderésilience? L’État et la Nation sont eux-mêmes des espaces de résilience. C’est par leur capacitéà incarner des valeurs fondamentales, à assurer laprotectiondes citoyens face à la barbarie, qu’ils ont permis que la France demeure debout, lorsqu’elle fut mise à l’épreuve de la violence terroriste. Nous aurions tort de considérer que la mondialisation rend toute action souveraine des États impossible. Je pense bien au contraire qu’elle rend cette action nécessaire et urgente.

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